Les Cloisons d\'Argent

Les Cloisons d\'Argent

2) Le déménagement

06/06/13

 

Les murs retrouvent leur blancheur d’avant. Je déconstruis sans mélancolie aucune.

Je pars, je fuis, je vis comme un ailleurs, déjà, cette ville-ci où je n'ai pas trouvé, pas su trouver, peut-être.

 

[...]

J'enlèverai tout, tout de l'ici. Je lirai Charnet jusqu'au levé du jour, et seule la lecture peuplera l'aveugle de ce future que je ne tente plus de dire, l'aveugle des murs crayeux où je n'ai pas réussi à laisser une empreinte, et pour la première fois ; c'est cela même, l'empreinte de mon non-dit condensé en un lieu :

 

« Je n'ai pas été là. »

Et on n'entend que Charnet entre mes murs.

« Je n'ai pas vécu cela. »

 

Je n'ai rien laissé de moi. [...] Il n'y a jamais eu de mots ici. Jamais. Je l'assure. Je renie.

 

-

 

Voilà, j'ai tout enlevé, il ne reste rien, tout est : disparu pour toujours.

Je peux maintenant, une nuit, n'être personne ici ; être personne. Je peux lire Charnet ici et n'être que Charnet de ma voix, ou je peux mourir ici en anonyme. Je peux être impudique en restant ; personne. Je peux être toute au hasard, à l'absurde, une fois.

Je peux dire l'amour perdu aussi, et n'être que l'amour perdu. Chanter cet amour une nuit dans l'immeuble, à réveiller les travailleurs énervés du matin trop tôt levé, à dire le lieu disparu en ne le disant pas d'absence consommée. C'est comme dans mon livre : je peux tout dire. Au final, ce ne sera pas moi.

 

Je peux crier en silence,

une fois ;

Vous savez aussi!

 

C'est le champs des possibles de cette nuit unique et restreinte, acculée au silence, qui elle aussi sera mangée-volée par indicible, qui elle aussi ne sera bientôt plus-pas ; existence.

 

Cela est mon chant de cette nuit :

Là est la marque de ce qui fût, la marque disparue déjà, qui restera seulement dans mon oubli, non-voulue, dans ce que je ne sais voir de moi.

Là est mon renouveau.

Que faire du cadavre du rêve qui gît, qui pourri, entre mes deux vivants ?

Que faire pour la tache sur le vécu, pour ce moi estropié de n'être plus si jeune encore : « de n'être plus si neuve, je. ».

 

Je sens ça migrer sur mon visage.

 

Et il n'y aura pas de renouveau, qu'un peu de différent, un peu d'ailleurs encore.

Je rêverai, cette nuit, que je marche dans la ville au grand jour. Je rêverai de la tâche migrée sur mon visage, que je porterai haut et clair, et dont seuls les enfants oseront se moquer ; ils riront fort.

 

« Je porte la crasse de ces murs que je prends toute entière sur moi, j'emporte. », je dis.

« Je laisse les murs blancs aux hasards, aux vouloirs, aux faire du prochain venu. », je fais.

 

Harper m'accompagne dans cette nuit sans visage. Le visage tâché est prit déjà sur moi, porté lourd comme le plomb dans l'aile. Le drame est emmené aussi haut qu'il est renié, à chaque nouveau pas.

 

« Plus si neuve. »



07/06/2013
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