Sanatorium, avril 2013
Paradis perdu. C'est écrit sur la porte: "centre de nutrition". Tout est clos. Désaffecté. Désaffectionné. Des jardins immenses. Des couloirs vides et inondés. Des sous-sols tagués, du verre brisé, des chambres aux tapisseries décollées. Et partout ces mots d'enfants qui remplissent les murs et les yeux. Beaucoup d'enfants. Combien? Combien de maigreur? Combien d'obésité? Combien de maladie, de malheur?
Silence. Ça remplit tout avec leurs mots à demi-effacés, et c'est écrasant de ce silence qui hurle leurs noms.
Me voilà seule au paradis perdu. Je peux aller partout, personne, jamais, ne le saura. Personne ne peux me voir. Personne ne m'entend. Je suis au paradis désaffecté. Tout est mort, tout est encore beau, figé. Le téléphone au premier affiche encore "Veillez décrocher le combiné". Les portes barricadées. Les placards défoncés.
J'ai trouvé une chaise au grenier. La seule. Postée encore intacte face à la fenêtre, comme si on venait de la quitter. Qui est venu ici? Je n'ai pas peur des fantômes, pourtant, pas dans cette lumière-ci.
Je sors. Je rêve à ce que ce serait, un renouveau ici. Une adolescence ici. Je lis des tags au hasard: " Mel, ma soeur de coeur, je ne t'oublierai jamais." En ais- je gardées, de ces amitiés qui paraissent éternelles? Je suis déplacées ici. J'arrive juste un peu trop tard. Tout est prétexte à mélancolie maintenant.
Tout sera rasé, refait à neuf, plus personne ne lira leurs mots. Aujourd'hui je ne sais pas ce que je peux opposer aux années de silence qui sont passées entre eux et moi, mais je suis là, je lis.